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Le Masque de soie par Isera Duna Contes et légendes du monde  <    Publications     > 
Le Masque de soie — I

par Isera Duna
Adapté et traduit par Ione Densilla.
Naguère, lorsque le Royaume était plus faible, les seigneurs étaient souvent livrés à eux-mêmes, pour le meilleur ou pour le pire. Voici l'histoire d'une modeste baronnie dont les bois étaient devenus le havre d'une bande de mécréants qui dépouillaient tous ceux s'aventurant sur ses chemins.

Poussés par une extrême pauvreté, des hommes, fermiers ou anciens soldats, s'étaient résignés à vivre aux dépens des marchands itinérants qui traversaient les sous-bois environnants. Bien que peu nombreux, mais hardis et rusés, ils dépouillaient des caravanes, réussissant chaque fois à s'enfuir avec leur butin, parfois sans même avoir à livrer bataille contre les soldats qui protégeaient les convois.
Leur réussite était telle qu'aucune route du domaine ne fut bientôt plus considérée comme sûre. L'autorité du baron, ainsi que son honneur, étaient sévèrement remis en cause par l'audace de ces bandits. Il se mit donc en quête d'une solution pour débarrasser son territoire de cette présence embarrassante, et retrouver la confiance de ses sujets.

Son premier recours fut naturellement d'envoyer ses hommes d'armes pour les débusquer les bandits, mais ceux-ci, vivant en nomades et tous nés sur ces terres, connaissaient si bien la région qu'ils n'eurent aucun mal à échapper aux recherches. Lassé de voir ses soldats revenir bredouilles et dépités, il apparut bien vite au baron qu'une autre solution allait devoir être trouvée.

Il eut alors l'idée de recourir aux services de chasseurs de primes. En effet, alors que ses hommes avaient été formés à se battre en rang et défendre une place-forte, des chasseurs de primes, rompus à l'art de la traque, semblaient plus aptes à débusquer et éliminer les parasites qui lui causaient tant de tort.
Hélas, quelques jours plus tard, on retrouva les corps alignés des chasseurs à la lisière de la forêt, criblés de flèches. Nul doute que les forces des brigands avaient grandies et qu'elles représentaient maintenant une véritable menace.

A court d'idées, et sur les conseils de son épouse qui était fort pieuse, le baron se tourna vers la Sainte Lumière. Passant ainsi de longues heures à genoux sur le dallage froid de la petite chapelle de son château, il espérait par la prière trouver l'illumination, ou tout du moins une bénédiction qui le débarrasserait de ses tracas.
Mais l'expression de sa foi renouvelée n'y changea rien, et l'on commença à murmurer dans son entourage.

Quelques riches marchands, victimes des bandits et inquiets pour leurs commerces, imaginèrent de nombreux plans, d'inspiration variée, parfois adroits mais le plus souvent saugrenus et désespérés. L'on encouragea ainsi la délation en offrant une forte récompense, puis on tenta de tendre un piège aux mécréants par la rumeur d'un convoi d'or. L'on fit également appel à un ermite soupçonné de sorcellerie qui vivait dans une grotte non loin de là ; on brûla des effigies de bois sur les murailles, tandis que d'autres organisaient des processions en agitant des rubans de tissu coloré.
Rien n'y fit, et la grogne s'installa. Des réunions illicites se tenaient dans des lieux incongrus à toute heure, tandis que les champs étaient délaissés. L'abattement du Baron était tel que son découragement devint visible à tous.
 
En dernier recours et ravalant le peu de fierté qu'il lui restait, il fit mander l'ancien conseiller de feu son père, qui vivait retiré dans un hameau voisin. Maintenant âgé et chenu, mais au regard encore vif, cet homme avait en son temps été connu pour son adresse — ou plutôt sa ruse et son esprit retors disaient certains.
Le vieux conseiller, après un court temps de réflexion, demanda une complète et entière liberté d'action, ainsi que le plus grand secret et quelques fonds. Peu de temps après, on le vit au matin quitter le château, menant un petit convoi de mules chargées de lourds coffres en bois, et montant lui-même péniblement l'animal de tête.

Il ne reparut pas ce soir-là, mais le baron s'y était attendu.
Il ne reparut pas non plus le lendemain, ni le jour suivant, et cela l'inquiéta davantage. Non qu'il tînt le vieux conseiller en amitié, mais bien parce que cela signifiait un nouvel échec.
L'attente se prolongea encore un quatrième jour, puis un cinquième, et le seigneur envisagea sérieusement la possibilité d'aller se livrer lui-même aux bandits, qu'au moins il ne soit dit qu'il ne reconnaissait pas sa défaite.

Au septième jour toutefois, on annonça le retour du vieil homme, et, avec lui, l'espoir.
Le baron s'empressa d'aller l'accueillir, alors qu'un convoi de mules pénétrait dans l'enceinte du château. Il vit la tranquille assurance du conseiller qui, bien que manifestement épuisé, ne voulut pas d'aide pour descendre de sa monture. Il nota la présence d'une petite troupe de fiers gaillards aux allures un peu empruntées, portant des tabards neufs aux armoiries du domaine, mais qu'il ne connaissait pourtant pas, et devina que les coffres ramenés étaient sans aucun doute maintenant vides.
Alors il sut, avec certitude et soulagement, qu'une solution avait enfin été trouvée au problème des pillards, et que les routes de son domaine seraient dorénavant de nouveau sûres.
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