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La Promesse du loup par Tertius Mohiam Contes et légendes du monde  <    Publications     > 
La Promesse du loup
par Tertius Mohiam.
Il était une fois un loup solitaire à l'appétit féroce qui régnait en maître sur les pâturages d'Elwynn.
En ces temps, la région ne portait pas de nom, ou alors un nom maintenant oublié. Les Humains, venus de leurs terres au nord, par-delà le pays nain, arrivaient par familles entières pour bâtir leur nouvelle destinée. Hurlevent n'était encore qu'un gros bourg fortifié aux rues de terre battue, et son marché en constituait la principale attraction.
Ces jours-là, marchands et fermiers, accompagnés de leurs troupeaux, encombraient les portes de la ville, et l'on pouvait vendre et acheter pommes de terre, navets et vaches, cuir souple ou métal forgé, fleurs de courges et cochons de lait. Mais de mouton, point, car le loup s'était déjà largement servi.

Aucune église n'avait encore été construite en Elwynn ; on célébrait la Sainte Lumière dans des granges transformées pour l'occasion, ou même en plein air à l'ombre des pommiers durant les jours d'été.
Bien qu'ils prennent bien garde à ne pas le montrer, les loups sont aussi curieux que de vieilles brebis, et celui de notre histoire n'échappait pas à cette règle. Attiré par la voix claire du prêtre, ainsi que par les chants maladroits mais fervents de l'assemblée, il prit peu à peu plaisir à écouter de loin, caché dans une futaie, ce que les Humains appelaient la messe. Il y assista si souvent qu'il finit bientôt par connaître les psaumes de bout en bout, et même à se laisser séduire par les bonnes paroles du prêtre qui enseignait avec patience ou résignation les Trois Vertus à ses ouailles.


Un beau jour, n'y tenant plus, peut-être lassé de parcourir seul la campagne à l'approche de l'hiver, il osa se montrer. Il poussa donc avec détermination les battants de la grange dans laquelle se tenait l'office, créant bien sûr stupeur et colère dans l'assemblée.
Lorsque le prêtre fut parvenu à calmer les cœurs et les voix, il demanda avec une feinte assurance au loup de s'expliquer. Celui-ci ouvrit alors une large gueule pour répondre d'une voix si grave que tous en frémirent.
— Humain, voici longtemps que je t'écoute et ta parole est juste. Moi aussi je veux connaître la Lumière et ne plus vivre comme une bête. Je veux être maître de ma vie et ne plus me coucher le poitrail couvert du sang des innocents. Humain, enseigne-moi la Lumière !
Le prêtre ne sut que répondre à si surprenante requête, et le loup continua de sa terrible voix.
— Humain, moi qui promets ici de changer de vie, offre-moi ta bénédiction. Mieux, aide-moi et célèbre pour moi une messe d'Actions de grâces !

La plupart des fidèles réunis avaient eu à souffrir des ravages causés par le loup. Bien que fort surpris et soupçonneux de nature, ils décidèrent pourtant n'avoir rien à perdre et encouragèrent par de vigoureux hochements de tête le prêtre indécis à accepter.

Celui-ci commença donc la cérémonie avec le plus grand sérieux, n'éludant aucun verset et respectant à la lettre la liturgie consignée dans le lourd missel qu'il portait toujours avec lui. Le loup priait avec grande dévotion, et chacun l'accompagnait avec ferveur, espérant qu'il souhaitât sincèrement la rédemption. La cérémonie dura longtemps et n'était pas terminée au coucher du soleil, à l'heure où les moutons regagnent la bergerie pour la nuit. Le loup, qui connaissait bien les habitudes des bergers, les entendit et commença à s'agiter. Pourtant, le prêtre, maintenant intarissable, entamait la grande prière eucharistique sans manifester la moindre lassitude, scandant les psaumes avec entrain.

Le loup ne tenait plus en place. Alors que le troupeau passait non loin de la grange, il ne put se contenir davantage et s'écria, les babines tremblantes :
— Finissons-en, Humain, ou tous les moutons seront rentrés et je n'aurai plus rien pour dîner !

D'abord profondément déçu de s'être laissé abuser par de faux repentirs, le prêtre compris bientôt que le désir du loup était sincère mais que celui-ci, dans son orgueilleuse volonté de bien faire, avait voulu s'engager avec quelque chose de trop grand, car il est vrai que, quelles que soient nos ambitions, nous n'avons d'autres choix que de commencer par ce qui est à notre portée, aujourd'hui.
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