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Le Chemin de la sagesse par Tertius Mohiam Contes et légendes du monde  <    Publications     > 

[Inspiré de contes soufis.]
Le Chemin de la sagesse

par Tertius Mohiam
On raconte qu'il y a quelques années, à Hurlevent, joyau de l'Alliance où les sciences et les arts sont enseignés de la meilleure manière, vivait un jeune homme beau et studieux.
Bien que rien ne lui manquât, que les affaires de sa famille fussent florissantes, qu'il fût promis à une très charmante fille de la noblesse et à un brillant avenir parmi la bonne société, il était possédé du désir de toujours apprendre davantage.

Il lui fut un jour révélé, grâce au récit d'un marchand voyageur avec lequel son père était en affaire, qu'il existait dans un pays éloigné un vieil homme qui était reconnu comme le plus sage d'entre les sages, le plus savant d'entre les érudits, et dont la bonté attirait sans cesse des élèves venus pour écouter son enseignement qu'il dispensait gracieusement sous un arbre près de l'océan, après son travail. En effet, malgré sa renommée, cet homme exerçait le simple métier de forgeron.

Bien évidemment, les paroles du marchand réveillèrent la soif de connaissance du jeune homme, cette soif qu'il tentait vainement de faire taire, assistant son père lors des marchés importants, vérifiant les comptes, accompagnant sa promise pour de longues promenades, participant aux conversations des réceptions de sa mère, se montrant toujours d'une humeur égale et même un joyeux compagnon de taverne.
Les nombreux livres et parchemins de l'université et de la bibliothèque royale n'avaient alors plus de secrets pour lui car il avait déjà lu plusieurs fois les textes le plus importants, les encyclopédies, les traités médicaux ou philosophiques, comparant les traductions, épluchant les index avec minutie, cherchant inlassablement parmi les renvois et les notes de bas de page une piste qui pourrait le mener à un savoir plus grand encore. Lui qui désespérait de découvrir les traces fugaces d'une vérité cachée, perdue ou même interdite, ne pouvait rester indifférent à cette lointaine mais ardente promesse.

Un temps, il essaya de continuer à s'intéresser à ce qui l'entourait, à prêter attention aux conseils de ses parents et à la douceur de sa fiancée mais son cœur était déjà ailleurs, rêvant de partager l'érudition et les mystères du vieux sage. Aussi, un matin d'automne, un de ces matins où le ciel est clair et l'air encore doux, alors qu'il aperçut un vol d'oiseaux migrateurs traverser le ciel de la fenêtre de sa chambre, il choisit quelques livres qui lui étaient chers et les fourra dans sa besace, chaussa ses bottes de marche, prit une lourde couverture et un solide bâton, écrivit une courte note à sa fiancée, salua ses parents, serrant sa mère contre lui comme elle-même avait pu l'étreindre lorsqu'il était petit garçon, et leur annonça qu'il partait pour un long voyage d'étude.

Il aurait pu attendre et accompagner l'une des caravanes familiales mais, bien qu'il eût hâte de rencontrer l'homme de si grande renommée, il restait conscient que l'adversité avait manqué à sa vie et que la véritable sagesse ne s'apprenait pas toujours dans les livres. Désirant se présenter à son futur maître comme un homme fait et non comme un jouvenceau aux doigts tachés d'encre, il choisit de voyager humblement.

C'est donc à pied, comme un vagabond, qu'il chemina, se mêlant parfois aux fermiers, d'autres fois à des forains ou des marchands itinérants. Il travaillait pour se nourrir, au gré des rencontres, et restait toujours patient et charitable, partageant ses maigres possessions. Souvent, on voyait en lui un moine et on lui demandait conseils et soins. Toujours, il demandait qu'on lui parle de ce vieux sage dont la lumière attirait les érudits de tout Azeroth, voulant s'assurer qu'il ne s'égarait pas.

Ainsi, les saisons passèrent, les prairies grasses laissèrent la place à des plaines arides, puis à des vallées sauvages, puis à d'autres prairies où paissaient des animaux qu'il ne connaissait que par les livres lus dans sa jeunesse. Il suivait des routes pavées, des chemins de terre ou même des sentiers, ne doutant jamais de sa décision, mais ayant toujours chaque soir, au moment de s'endormir, une pensée émue pour ses parents qu'il n'avait jamais cessé de chérir.
 
Alors qu'il franchissait un col enneigé du pays des Nains, la fièvre faillit l'emporter et il perdit quelques orteils, gelés. Lors de la traversée de la Grande Mer, le bateau sur lequel il s'était engagé comme chirurgien subit une attaque des pirates et il fut laissé pour mort. Dans les marais de l'ancienne Theramore, une morsure de serpent le coucha et il délira quarante jours et quarante nuits. Prisonnier d'une tribu de mangeurs de lézards dans les Salines, il apprit à leur chef, une étrange créature, comment vénérer la Lumière. Il est dit aussi qu'il resta un an à Tanaris, enseignant l'écriture aux enfants et l'art des simples aux femmes.

Le beau jeune homme studieux devint ainsi un homme mûr à la peau tannée par le vent et le soleil, aux mains calleuses, à la barbe fournie et au regard clair. Lorsqu'enfin il parvint à la ville où enseignait le sage, sa mère elle-même aurait peiné à le reconnaitre.
Sa réputation l'avait précédé et on lui fit bon accueil. On dressa un auvent, on lui offrit de l'eau fraiche, des dattes au miel et l'on s'enquit de ses désirs. S'excusant d'abréger la coutume qui voulait qu'il raconta son voyage, il demanda à rencontrer le saint homme, celui qui enseignait les plus profondes vérités, celui dont la renommé avait traversé les mers et atteint la capitale de l'Alliance.

Un silence gêné se fit autour de lui, puis un vieillard aux yeux aveugles et aux mains chenues prit la parole. Il raconta qu'il se souvenait qu'un tel homme avait vécu dans les faubourgs de la ville, bien des années auparavant, lorsque lui-même était enfant. Quiconque voulant apprendre les textes sacrés ou les vérités du cœur avait toujours été le bienvenu dans son assemblée qui se réunissait souvent sous un arbre, non loin de l'océan, là où il reposait maintenant.
Voyant la peine et l'abattement du voyageur à l'écoute de cette annonce qui brisait tous ses espoirs, les habitants lui proposèrent de séjourner un temps parmi eux. Ils lui offrirent même d'occuper la vieille forge que le saint homme avait laissée à sa mort et qui était restée vide depuis.
 
On raconte que, dans cette ville lointaine, par-delà les sables de Tanaris, vit un homme marqué par la bénédiction, reconnu comme le plus sage d'entre les sages, et dont les érudits comme les humbles viennent écouter l'enseignement qu'il dispense lorsqu'il a terminé son travail de forgeron.
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