Fan-fictions World of Warcraft.
La Main de Tyr par Khassim Al-Rakim Contes et légendes du monde  <    Publications     > 

[D'après la légende nordique de Fenrir.]
La Main de Tyr

Adaptation d'une légende nordique, par Khassim Al-Rakim
Edition originale : Le Salon, 5e mois de l'an 34.
Racontée par Khassim Al-Rakim, le 2e jour du 5eme mois de l'an 34, durant le premier Festival des Roses d'Algarde, qui lui valut le titre de Skald-corbeau pour l'an 34.
Puisque j'ai l'honneur douteux, ce soir, d'être l'unique représentant de mes confrères tout de rouge vêtu, je vais vous parler de la Main de Tyr, qui avant d'être un nid à mort-vivants, puis l'un des emplacements de la foire à la saucisse de Tirion Fordring, était une ville florissante et l'un des derniers bastions de la Lumière au sein des Maleterres.

Il y a une histoire relativement répandue, mais assez classique dans laquelle Tyr, un des Gardiens Titaniques, aurait décanillé un immense proto-dragon du nom de Galakrond et y aurait perdu sa main... J'en ai une autre, qui a l'avantage de présenter beaucoup moins d'épées magiques, de sortilèges et de cavaliers partant sur fond de soleil couchant.

Or donc, bien avant que l'humanité ne ressemble à ce que nous connaissons aujourd'hui — on payait moins d'impôts, par exemple — les Gardiens des Titans participaient à la formation d'Azeroth. Ils avaient aussi pour tâche de veiller à l'équilibre naturel et de surveiller les diverses créatures surnaturelles ; tout cela pour le compte des Titans.
Il y avait une immense créature qui leur posait problème. On l'appelait — et on l'appelle toujours ! — Goldrinn, et il était encore moins aimable qu'il ne l'était aujourd'hui. Son appétit, en particulier, était assez féroce. Voyez-vous, plus il mangeait, plus il grandissait. Et plus il grandissait, plus il avait besoin de manger — trait dont la bureaucratie de Dalaran héritera des millénaires plus tard.

Les Gardiens se dirent que ça commençait à sentir le sapin, d'autant que le bougre commençait à lorgner sur les deux lunes d'Azeroth.
Les deux lunes en question envoyèrent une demande — probablement un formulaire de réclamation bien senti — aux Gardiens, pour leur demander de faire leur travail et de calmer cette bête avant qu'elle ne décide de les boulotter.

Il y avait un Gardien du nom de Tyr, le plus courageux de tous, qui avait pris sur lui de chasser tous les jours la quantité de viande nécessaire pour apaiser Goldrinn. Les autres en effet avaient trop peur de s'en approcher mais comme ils se disaient qu'Azeroth, à ce rythme, allait bientôt se trouver à court de gibier, ils décidèrent que Goldrinn allait devoir subir un régime forcé.
Et pour cela, il fallait l'attacher.
Alors ils se rassemblèrent, et fabriquèrent une chaîne, appelée Lœding. Elle était faite d'acier, de thorium et d'elementium.
Ils allèrent voir le loup et lui dirent :
— Goldrinn ! Ta force est-elle si grande qu'elle puisse rompre cette chaîne ?
Le loup géant les observa, puis il répondit :
— Est-ce un lacet venu de vos bottes ? Mettez-moi cette chose autour du cou, qu'on en finisse rapidement !
Le loup baisse le cou, Tyr s'approche — car les autres ont les miquettes — et lui passe la chaîne autour du cou. La bête s'arc-boute, et ding, la chaîne se brise du premier coup !
Les Gardiens ont un peu l'air de grosses buses sur le moment et la réunion se termine.

Ils décident de faire une deuxième chaîne. Cette fois-ci, elle sera faite d'obsidium, de khorium et d'obsidienne pure.
Pareil, ils arrivent, l'air fier d'eux, sûrs de prendre leur revanche. Le loup leur demande si c'est avec ça qu'on entoure les paupiettes chez les Titans.

Le loup s'arc-boute une fois, deux fois, trois fois, et la chaîne se brise à nouveau.

Cette fois-ci, on se décide enfin à écouter Loken, le fourbe de service car la force n'a pas l'air de fonctionner dans ce cas précis et ils commencent vraiment à perdre en crédibilité. C'est dur de façonner un monde quand un loup vous humilie toutes les semaines.
Loken décide de fabriquer une troisième chaîne, la dernière, espérons-le pour le rythme de cette histoire. Il la fait avec des bruits de pas de chat, de barbes de femmes, de racines de montagnes, de nerfs d'ours, d'haleine de poisson et de crachats d'oiseaux.
Chacun sait que la femme n'a pas de barbe — hormis à la foire de Sombrelune —, que le chat ne fait pas de bruit en courant, et qu'il n'y a pas de racine aux montagnes... Mais chacun ignore bien des choses.

Ils allèrent voir Goldrinn, qui commençait sérieusement à se demander sur quelle bande de traîne-patins il était tombé... Et se rendit compte qu'ils étaient en fait pire que ce qu'il pensait lorsqu'ils lui présentèrent la troisième chaîne, qui, il faut dire, n'avait pas l'air extrêmement impressionnante.
— Goldrinn ! Ta force est-elle si grande qu'elle puisse rompre ce lacet, qui semble doux et lisse comme un ruban de soie — les femmes devaient avoir une drôle de barbe à l'époque — mais qui est plus solide qu'il ne paraît ?
Le loup allait répondre comme d'habitude, mais il vit le petit sourire fourbe de Loken, le même que celui qu'il arborait après avoir convaincu un homme qu'il était en fait un buisson venu des étoiles à bord d'un hippocampe chantant. Et donc, il refusa, sentant venir la fourberie.
Et fourberie il y eut, car Loken lui demanda :
— La terreur d'Azeroth, l'annonciateur de l'apocalypse aurait-il peur d'un lacet ?
L'appel à la fierté fonctionne toujours avec les loups, et Goldrinn répondit :
— Soit. Pour qu'il soit dit que je ne manque pas de courage, je vais vous laisser passer ce lacet autour de mon cou. Mais pour qu'il ne soit pas dit que vous manquiez de courage, l'un de vous devra mettre sa main dans ma gueule.
Les Gardiens se regardèrent, un peu penauds. Ils n'avaient pas prévu ça. C'était un coup à abandonner toute idée de devenir le nouvel espoir du clavecin.
Alors Tyr s'avança — car après tout je vous parlais d'un endroit appellé la Main de Tyr, et pas la main de Loken, ou la main de Zorah l'Effeminé. Il tendit la main droite, la glissa dans la gueule du loup, et les autres passèrent le lacet autour du cou de Goldrinn.
La bête s'arc-bouta. Une fois. Deux fois. Trois fois. Dix fois.
Et le lacet ne rompit point.
Les Gardiens se mirent tous à rire aux éclats ! A part un, Tyr... Il venait de perdre sa main, préservant ainsi l'ordre naturel du monde.

Faire ce qui est juste et nécessaire a toujours un prix. Lorsqu'on a l'impression que ça n'en a pas, c'est que quelqu'un d'autre le paye pour nous.
***