C'était le long des plages froides de Sombrivage,
Alors que la lune faisait miroiter de bleu les dunes,
Qu'il vit au loin se baigner nue la douce ingénue.
Jusqu'à la taille elle était immergée et ses longs cheveux sur sa poitrine cascadaient.
Sa peau blanche lui rappelait l'éclat de la déesse ; il aurait tout fait pour que cet instant jamais ne cesse.
Puis, lorsque son regard se posa sur lui, il sut que c'était avec elle qu'il passerait toutes ses nuits.

Epris d'un amour fou, à terre il posa le genou.
"Sois ma moitié, pour toute notre éternité."
Et d'une voix de cristal, elle lui répondit dans un écho enchanteur,
"A jamais je serai tienne, à jamais je serai ton âme sœur."
Puis d'ajouter, "Mais jamais tu ne devras me demander, quand vient le jour, pourquoi je disparais."

Qu'importent ses secrets, c'était elle sa parfaite bien-aimée.
Les années s'écoulaient, au cœur des chatoyantes forêts.
Jamais leur passion n'aurait pu se tarir, se confiant des mots doux dans de tendres soupirs.
Ils eurent même deux beaux enfants, qu'ils aimaient profondément.
Leurs âmes étaient liées, sans nul doute était-ce la déesse qui les avait mariés.

Mais de cette idylle naquit la jalousie.
Un frère grincheux sema le doute dans l'esprit du bienheureux.
"Que peut bien faire ton aimée lorsque le jour est levé ?"
"Pourquoi te quitte-t-elle pour aller au loin ? Ne t'aurait-elle pas remplacé par quelque Humain ?"
Alors, l'aube venue, en secret il espionna sa dulcinée.
Jusqu'à la plage il suivit ses pas, et depuis sa cachette il l'observa.

Il fut alors saisi d'horreur et laissa échapper un sursaut de peur.
Car de la tête à la taille, son amour était toujours la mère de ses enfants,
Mais en dessous du nombril, elle arborait une forme de serpent.
Hélas la belle l'avait entendu.
Du plus profond de son cœur meurtri, elle lui dit ceci :
"Tu devais respecter mon secret ; notre amour à jamais s'est brisé !"
Et avec un cri de désespoir, elle disparut dans les flots sous les yeux de son aimé, hagard.

A partir de ce jour, plus jamais il ne revit son amour.
Il pleura, la pleura toutes les nuits, jusqu'à la fin de sa longue et triste vie.
Pourtant, on raconte qu'à chaque crépuscule, lorsque la mer ondule,
A chaque fois, revenait la belle Naga.
Puis, sans un bruit, enlaçait ses enfants chéris.
Avant de plonger dans les eaux froides noyer son profond chagrin.