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Légendes de la Terre-Mère par Zagethia Hache-Vive Contes et légendes du monde  <    Publications     > 
III — La Marche des kodos
Présenté par l'auteur lors de la 12e Marche des kodos, au 12e mois de l'an 38.
Ce matin-là, il y a bien longtemps, un vieux chef tauren, parvenu au crépuscule de sa vie, sut en se réveillant que l'heure était venue pour son esprit de rejoindre ses ancêtres.
Il n'en fut pas attristé car ses affaires étaient en ordre et l'harmonie régnait autour de lui. Sa vie durant, il avait guidé son peuple avec courage et sagesse, grâce à la bienveillante Terre-Mère. La paix régnait dans la plaine, l'herbe était grasse et le gibier abondant. Sa fille aînée avait affronté avec succès les épreuves sacrées du rituel de passage et, munie du bâton de pouvoir, elle pourrait prendre la tête de la tribu.

Mais, ce matin-là, alors qu'An'She illuminait les montagnes dans le lointain et faisait miroiter les eaux calmes du lac Taureau-de-pierre, il lui restait une tâche importante à accomplir. Afin de rendre grâce aux puissants kodos qu'il avait côtoyés toute sa vie, il souhaitait mourir dans leur cimetière, que l'on disait perdu dans une terre désolée, à l'ouest.

Il fit donc ses adieux aux siens et, muni d'un simple mais solide bâton de marche, il se mit en route.
Se sachant trop faible pour affronter les prédateurs, il apprécia la protection de plusieurs troupeaux de kodos qui vinrent se joindre à lui.
Ces grands animaux, dont le pas lourd faisait trembler le sol, le guidaient parfois sur son chemin. Après avoir traversé les grandes plaines vers le nord, il bifurqua vers l'ouest pour pénétrer dans une région montagneuses qu'il ne connaissait pas et que nous appelons les Serres-Rocheuses.
Aujourd'hui, depuis le Cataclysme, nous ne pouvons plus suivre le même chemin. Bien que nul d'entre nous n'ait le souvenir de kodos dans cette région, elle faisait auparavant partie de leurs territoires.

Le vieux Tauren marchait depuis le matin. L'herbe douce des plaines était maintenant loin derrière lui et ses sabots rendus friables par l'âge le faisaient souffrir sur les chemins pierreux et abruptes. Il continua pourtant sa route, au travers de défilés étroits, franchissant un col escarpé. Bien qu'épuisé, il était porté par sa volonté d'accomplir la dernière épreuve de la Terre-Mère.

Après avoir franchi un dernier col escarpé, il parvint à cette vaste étendue désertique qui porte si bien son nom, Désolace.
La soif le taraudait et sa vue se troublait sous l'effet d'un vent sec. Ici, la vie semblait absente. Il remarqua pourtant que les kodos qui l'accompagnaient maintenant, et qui réglaient leur pas sur le sien, étaient bien plus imposants, leur cuir plus épais et portant de nombreuses cicatrices. Des anciens qui, eux aussi, accomplissaient un ultime voyage dont le but semblait proche. Cela lui redonna courage.
 
Ensemble, ils arrivèrent enfin à l'endroit que nous connaissons comme étant le cimetière des kodos. Parmi les nombreux et gigantesques ossements blanchis par le temps, des rapaces nettoyaient les carcasses des kodos retournés au sein de la Terre-Mère, afin de nourrir leur famille, perpétuant ainsi le cycle de la vie.
Le vieux Tauren aperçut aussi les esprits des nombreux kodos morts, peut-être les gardiens de ce lieu sacré. Quiconque vient en paix, ou proche de mourir, peut lui aussi sentir la présence de ces esprits ancestraux.

Parmi ces esprits, il en était deux beaucoup plus grands que les autres. Il reconnut sans peine l'Esprit du Grand Kodo et l'Esprit du Grand Rapace. Il s'inclina devant eux.
— Salutation, ô Grands Esprits, dit-il non sans une certaine fierté. Louée soit la Terre-Mère, j'ai accompli ma quête, celle de mourir parmi vous !
— Shu'Alo, répondit Grand Rapace en se posant en silence devant lui. Tu ne le sais pas, mais seul ton esprit est arrivé ici.
— L'âge et la fatigue ont eu raison de toi, et tu es mort d'épuisement dans les montagnes rouges, ajouta Grand Kodo en s'avançant, son pas ne faisant pas trembler le sol malgré sa taille.
A ces mots, le vieux Tauren reconnut la vérité, car lui-même avait maintenant l'aspect d'un esprit. Lâchant son bâton inutile, il se laissa tomber à genoux, vaincu. Alors qu'il désirait finir comme un brave, ici même parmi les kodos, la mort l'avait saisi sur le chemin, comme un voyageur sans nom. Son entêtement l'avait aveuglé, et son esprit n'avait fait qu'errer dans un rêve inutile.
— Honte sur moi, Grands Esprits ! J'ai échoué, je ne vous ai pas honoré et je n'ai pas honoré la Terre-Mère.
— Tu n'as pas échoué, le rassura alors Grand Rapace. Ton esprit est parmi nous, il n'a pas encore rejoint tes ancêtres. Lorsque ton corps t'a abandonné, ton honneur et ta bravoure t'ont porté et tu as terminé ce voyage, défiant la mort elle-même.
— Ta quête est accomplie, enfant de Terre-Mère, renchérit Grand Kodo. Tes enfants, et les enfants de ta tribu se souviendront de l'exploit que tu as accompli. Va maintenant, pars en paix et va rejoindre tes ancêtres.
— Mes enfants ramèneront ton corps aux tiens, promit Grand Rapace, car là est ta véritable place.

Au soir, l'on vit dans la plaine un vol de rapaces porter le corps du vieux chef et le déposer délicatement devant sa fille, désormais Maîtresse des Traditions. Les deux grands Esprits lui apparurent et Grand Kodo parla :
— Ton père a suivi le cycle de vie de mes enfants, du plus jeune âge à l'heure de leur mort. Bien que son corps épuisé ait renoncé, son esprit a poursuivi son voyage jusqu'à nous. Que vos rituels soient exécutés afin que son corps rejoignent Terre-Mère, car il le mérite.
La Taurène, tout d'abord surprise, et même un peu inquiète, se ressaisit pourtant bien vite. Elle comprit que son père avait accompli quelque chose de grand, et que les Esprits lui rendaient hommage. C'est d'une voix encore mal assurée qu'elle déclara :
— Ô Grands Esprits, soyez remerciés. Pour honorer la mémoire de mon père, pour vous honorer, et pour rendre grâce à la Terre-Mère, notre mère à tous, mon peuple fera tous les ans le même chemin, d'ici au cimetière des kodos. Qu'il en soit ainsi, jusqu'à ce que les montagnes ne soient plus des montagnes.

Et c'est ainsi que la Marche des kodos naquit, et perdure encore de nos jours.
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