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Légendes de la Terre-Mère par Zagethia Hache-Vive Contes et légendes du monde  <    Publications     > 
IV — Le Peuple de la forêt
Il y a bien longtemps, alors que ni les Orcs ni les Humains n'avaient foulé les terres de Kalimdor, les tribus taurènes étaient nomades.
Chaque clan se déplaçait au gré de ses besoins et au rythme des saisons. Afin de conserver des liens entre des familles parfois dispersées, mais aussi une unité parmi le peuple de la Terre-Mère, il existait des messagers qui arpentaient sans relâche la grande plaine. On les appelait les Longues-foulées [1].

Une très jeune Taurène, Lylena Cours-la-Nuit, rêvait de devenir Longue-foulée, comme ses sœurs avant elle. Parcourir librement la plaine en tous sens sous l'œil d'An'she, apporter des nouvelles des êtres chers aux familles, voilà qui faisait battre le cœur de la génisse.
Ses sœurs se moquaient gentiment de Lylena, car devenir Longue-loulée n'était pas chose facile. Il fallait un solide sens de l'orientation et une parfaite connaissance de la plaine, ainsi que de ses dangers. Il fallait être agile, endurant, et avoir le sabot sûr.

Chaque fois que l'une des ainées revenait d'une mission lointaine, Lylena la pressait de questions et demandait qu'on la mette à l'épreuve, car elle jurait par tout ce qui est sacré que son destin était de devenir Longue-foulée, et qu'elle était on ne peut plus prête.
Il arriva alors que l'une des sœurs, excédée par cette intrépide enfant qui ne lui laissait aucun repos, lui dit :
— Jeune Lylena Cours-la-Nuit, cette nuit, l'esprit de la Grande Grenouille Verte m'a révélé ton épreuve ! Tu devras rapporter une preuve de l'existence du mystérieux peuple des forêts du nord. Pars sans tarder, et ne reviens pas sans avoir accompli ta quête.

La jeune Shu'Alo, toute à ses rêves fougueux, se méprit sur les propos de son ainée et n'en vit pas la malice. Elle réfléchit quelques instants, noua ses couettes derrière sa tête pour se donner un air plus digne, se munit d'un bâton de marche et d'une outre pleine, et quitta le camp pour se diriger vers le nord. Le clan étant habitué à voir Lylena aller et venir à l'extérieur du camp, pour ses jeux d'enfant ou pour accomplir quelques tâches domestiques, personne ne fit attention à son départ.

Après plusieurs heures de marche, la nature joyeuse de Lylena céda peu à peu la place à quelques inquiétudes, car la plaine était vaste et les provisions emportées depuis longtemps avalées. En se retournant, c'est à peine si elle distinguait encore sur l'horizon les fumées du camp familial. Il était cependant hors de question d'abandonner si vite sa mission. N'était-elle pas destinée à devenir une grande et vaillante Longue-foulée ?
Elle fit donc taire la faim et ses craintes de petite génisse, et se dirigea d'un sabot résolu vers la grande forêt que son peuple évitait depuis toujours.

Lorsqu'elle en parvint à la lisière, elle sut confusément qu'elle se trouvait à la croisée des chemins.
En continuant, elle pénétrerait dans une forêt touffue, sans doute sombre, et peut-être habitée de créatures cruelles et dangereuses. Il lui suffisait de rebrousser chemin pour retrouver les siens. En marchant vite, elle pourrait sans doute rejoindre le camp avant le soir et même arriver à temps pour se délecter des bonnes soupes au maïs que préparait sa mère. Mais non, il ne serait pas dit que Lylena Cours-la-Nuit, née d'une honorable et vaillante famille Longue-foulée laisserait quelques arbres briser les rêves de sa jeune vie !
Sur ces bonnes résolutions, elle s'engagea sous les frondaisons.

Cependant, tandis qu'elle s'enfonçait dans cette forêt inconnue, ses craintes revinrent, plus fortes que jamais. Il faisait de plus en plus sombre et, bien qu'An'she dut être haut dans le ciel, il était à peine visible, masqué par des arbres si grands qu'ils éraflaient sans doute le ciel. Elle n'entendait plus le vent qui soufflait dans la plaine et faisait onduler les hautes herbes. Ici, les bruits lui semblaient étouffés, peut-être tout proches. Chaque arbre au tronc épais et tourmenté pouvait cacher une menace.
Elle chuta plusieurs fois et, bientôt, sa crinière fut pleine de ronces, ses habits sales et déchirés. Alors qu'elle tentait de traverser un ravin boueux sur un tronc d'arbre mort, elle glissa sur la mousse et tomba, lâchant son bâton. Sa chute se termina durement contre une grosse racine.
Etendue dans les feuilles mortes et les fougères, elle suivit du regard les cimes des arbres qui se balançaient au gré du vent, comme s'ils dansaient. Et peut-être riaient-ils de cette jeune génisse, trop fière et impatiente de grandir. Sa tête, toujours appuyée contre la racine, lui faisait mal. La lumière d'An'she qui perçait parfois brièvement le feuillage dense l'aveuglait. Elle s'évanouit.
 
Lorsqu'elle revint à elle, la nuit était tombée et seule la clarté de Mu'sha peinait à traverser les grands arbres.
Elle avait froid, faim, et du sang séché sur le front. La forêt semblait maintenant vivante. Le chant des oiseaux s'était tu, remplacé par des cris d'animaux et de sinistres craquements. Elle se crut morte, au pays des esprits, et eut une pensée tendre et désolée pour sa famille. D'ailleurs, n'étaient-ce pas d'autres esprits qu'elles apercevaient maintenant autour d'elle ? Des petites lueurs bleutées qui semblaient flotter dans l'air et bondir en silence parmi les fourrés, qui s'enhardissaient, s'approchaient jusqu'à l'effleurer, et dont elle devinait maintenant les visages fantomatiques.

Puis un autre visage se pencha sur elle.
Des traits étonnamment fins, une peau pâle aux tons bleus, de longs cheveux argentés, de très longues oreilles, et surtout ces yeux qui brillaient comme la lueur de Mu'sha, surmontés de longs sourcils. Celui-ci semblait bien réel, même si elle n'avait jamais rencontré une telle créature.
Le visage à la moue boudeuse sourit, dévoilant des dents pointues. Puis la créature parla.

Lylena ne comprenait pas un mot de cette langue inconnue et chantante, mais la voix semblait apaisante. Aussi pensa-t-elle qu'elle ne mourrait peut-être pas tout de suite. On lui tendit une gourde pour humecter ses lèvres et elle tenta de se redresser. D'autres êtres l'entouraient avec curiosité : des mâles, des femelles, tous avec ce même incroyable regard et ces oreilles démesurées. Certains avaient des cheveux bleu nuit, d'autres vert forêt, et d'autres encore argentés. Tous étaient vêtus de tissu ou de cuir, se déplaçant en silence et avec agilité. Nul doute que cette forêt était leur domaine.

On l'aida à se relever, et l'une des femelles lui offrit une sorte de brochette de viande blanche et filandreuse, enrobée dans de larges feuilles. Se souvenant des bonnes manières que sa mère n'avait jamais renoncé à lui inculquer, elle accepta la nourriture. Après tout, si ces étranges créatures lui voulaient du mal, elle était à leur merci.

Une discussion s'engagea alors entre plusieurs créatures. Aux gestes qui la désignaient parfois, elle comprit qu'elle en était le sujet et se dépêcha d'avaler la viande avant qu'on ne change d'avis et que l'on lui reprenne. Enfin, une grande femelle à la chevelure bleue clair s'approcha. Elle ouvrit sa main, paume ouverte, et souffla sur une fine poudre qui fit éternuer Lylena. Une immense fatigue la saisit soudain, et elle sombra dans un sommeil peuplé d'arbres immenses et de sombres futaies.

L'aube la trouva couchée dans un creux d'herbes tendres, protégée des prédateurs nocturnes par un affleurement rocheux.
Bien que l'esprit encore embrumé par cet étrange sommeil, elle aperçut le campement de sa tribu, qu'An'she noyait dans ses premiers rayons. Puis elle entendit des voix qui criaient son nom, parmi lesquelles elle reconnut sans peine celles de ses sœurs, et elle comprit que toute sa famille la cherchait, peut-être depuis la veille.
Nul doute que, passée la joie des retrouvailles, sermons, réprimandes, et même punitions, allaient s'abattre sur elle comme un nuage de sauterelles sur un champ de maïs ! Bien sûr, si elle pouvait montrer une preuve de ses étonnantes rencontres, elle serait accueillie bien différemment... Cependant, si les créatures de la forêt l'avaient endormie avant de la ramener près des siens, c'était bien pour que nul ne sache exactement où elles vivaient et ne viennent les déranger.
Lylena pensa à toutes ces choses en jouant machinalement avec les feuilles, maintenant froissées, qui avaient entouré la brochette. Une fois encore, le choix lui appartenait, ainsi que les conséquences qui s'en suivraient, pour sa tribu, mais aussi pour le mystérieux peuple de la forêt. C'était peut-être ça grandir ; choisir, tout en sachant que l'on peut se tromper.
La jeune Taurène fourra le reste des feuilles au fond de l'une de ses poches, et se dirigea d'un sabot décidé vers sa famille. Ses vêtements étaient sales et déchirés, sa crinière pleine de ronces, sa peau griffée et son front tuméfié, elle avança cependant avec un visage rayonnant, bien décidée à garder le secret de la forêt et de ses étranges habitants, et prête à affronter l'inquiétude et la colère de ses proches.

L'histoire ne garde que peu de traces de la vie d'une Longues-foulées nommée Lylena Cours-la-Nuit, mais certains anciens conteurs affirment qu'elle aurait terminé ses jours auprès du peuple elfe, sous le regard de la Terre-Mère et la lumière d'Elune.
Il est dit qu'elle aurait révélé son secret à sa fille qui, elle-même, l'aurait transmis à sa fille, et ceci sur plusieurs générations, jusqu'à ce qu'une Taurène du clan Cours-la-Nuit rencontre de manière très officielle les Elfes lors de la Troisième guerre [2].
[1]. De nos jours, ce terme taur-ahe est tombé en désuétude et l'on parle plutôt de Long-marcheur.
[2]. L'Histoire ne conserve aucune trace d'une rencontre formelle entre les Taurens et les Elfes de Kalimdor durant les millénaires précédant la Troisième guerre. C'est au cours de la défense de Nordrassil que les Taurens et les Elfes combattirent ensemble contre les armées d'Archimonde.
Hamuul Totem-runique devint l'apprenti de l'archidruide Malfurion Hurlorage et incita d'autres Taurens à renouer avec les pratiques druidiques au sein du Cercle Cénarien.
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