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Fortune et Cécité par Isera Duna Contes et légendes du monde  <    Publications     > 
Fortune et Cécité

par Isera Duna, maison Sylvelune
Conté à la Chope Sucrée, le 25e du 7e mois de l'an 34.
Dans un petit village de pêcheurs, deux hommes vivaient en bons voisins depuis l'enfance. Le poisson abondant leur permettait de nourrir leur famille, et même de prospérer en revendant l'excédent de la pêche.

L'un des deux hommes était fort pieux. Il ne se passait pas un seul jour qui ne le vit se recueillir de longues heures dans le calme de la chapelle aux couleurs vives, non loin du port, louant et remerciant les fortunes pour leurs bontés, et ne manquant pas de prier pour qu'elles continuent à distribuer ces bontés avec autant de largesse. Ainsi occupé par ses dévotions, il ne sortait que peu en mer.
L'autre homme était d'un naturel besogneux. Il se levait avant tous les autres, et était toujours le premier à mettre son embarcation à l'eau. Il rentrait souvent le dernier, mais, dès l'aurore, il vendait son poisson, et son étal était toujours copieusement garni. Bien qu'il honorât régulièrement ses ancêtres et rendît grâce aux divinités tutélaires de son village [1], il ne fréquentait les lieux de culte que lors des cérémonies les plus importantes, celles qui réunissaient tout le village.

Lorsqu'un jour, après plusieurs heures d'une pêche harassante, l'homme besogneux ramena un énorme thon arc-en-ciel, l'un des plus gros qu'on n'eut jamais vu au village, l'homme pieux décida qu'il partirait lui aussi en mer le lendemain. Il ramena sans trop d'efforts deux thons magnifiques, aussi imposants que ceux de son voisin, et tout le village le félicita.

Quelques années plus tard, l'homme besogneux décida de se chercher une épouse, et il entreprit de bâtir une grande maison en bois, pour ses parents et sa future famille. Il lui fallut donc travailler deux fois plus, passant ses journées à pêcher, à vendre son poisson, à charrier des troncs d'arbre et à élever les murs et le toit de sa maison.
L'homme pieux par contre eut beaucoup de chance, car il rencontra un charpentier disposé à lui bâtir une grande et confortable maison, en échange d'une partie de sa pêche. Et comme les fortunes se montraient toujours si généreuses avec lui, l'homme pieux pêchait, sans se fatiguer, toujours assez pour lui et le charpentier. Sa maison, lorsqu'elle fut achevée, était sans conteste la plus belle et la plus grande du village, deux fois plus grande que celle de l'homme besogneux.
Les pêcheurs, qui s'étaient rassemblés devant l'ouvrage pour l'admirer, s'en trouvèrent raffermis dans leurs prières aux fortunes, car elles récompensaient si bien l'homme pieux que tous voulaient suivre son exemple.
 
De son côté, l'homme besogneux faisait l'admiration des jeunes filles du village pour son courage et sa vaillance, et c'est donc sans surprise qu'il épousa l'une des plus jolies. Non seulement était-elle gracieuse, mais également très douce, et tenait la maison merveilleusement bien.
Le jour des noces, l'homme pieux comprit, en voyant le bonheur de son voisin, que la solitude commençait à lui peser. Comme son voisin, il aurait aimé qu'une épouse aimante l'attende le soir dans sa grande mais silencieuse maison. Aussi pria-t-il les fortunes avec davantage de ferveur encore, et elles l'entendirent une fois de plus. En effet, peu de temps après, il fit la connaissance d'une jeune femme ravissante, mais très pauvre, qui fut enchantée de devenir son épouse. Or, cette jeune femme avait une cousine, également dans le besoin. L'homme pieux l'accueillit donc sous son toit, et eut ainsi la joie d'avoir non pas une femme, mais deux femmes pour s'occuper de ses affaires et de sa maisonnée.
On raconte même que les deux jeunes femmes l'acceptaient tour à tour dans leur couche.

Les jours passaient ainsi, et chaque fois que l'homme besogneux s'efforçait d'obtenir quelque chose par sa peine et son travail, les fortunes donnaient toujours deux fois plus à l'homme pieux.
Vint un jour où, par malheur, l'homme besogneux s'éborgna avec l'hameçon d'une de ses lignes.
Ce jour-là, lorsque l'homme pieux ouvrit les yeux après plusieurs heures de prière dans la chapelle, il avait perdu la vue.
[1]. Il n'est pas rare de rencontrer, dans certaines contrées reculées, des formes de culte associant divinités locales, ou tutélaires d'un corps de métier — ici la pêche —, culte des ancêtres et religion de la Lumière.