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La Lumière, mythes et réalités Mythes et pensée  <    Publications     > 
IV. Paroles d'outremonde.
par Ambre
Le texte suivant, présenté sous la forme d'entretiens avec un moine du temple de Telhamat, en Outreterre, nous emmène au cœur même des liens que les Draeneï ont pu tisser depuis des millénaires avec la Lumière, grâce à la présence des Naaru, parfois considérés comme des êtres de pure Lumière. En effet, les Naaru permettent aux Draeneï d'accéder à une connaissance — dans le sens mystique du terme — directe de la Lumière.
La cosmogonie abordée ici fait écho aux thèses d'Exorius Thaldo're, bien que des variations sémantiques puissent révéler de profondes divergences. Enfin, les deux grands ordres religieux draeneï, l'Aldor, créé par le prophète Velen, dont il confie la marche à la grande prêtresse Ishannah, et les Clairvoyants, fondé par des elfes de sang sous l'impulsion d'A'dal, seront comparés dans ce qu'ils ont de fondamentalement différents — connaissance ou foi, cœur ou raison —, bien que tous deux soient au service de la Lumière.
Note de la traductrice
Afin que le texte suivant reste compréhensible aux lecteurs non-spécialistes du peuple draeneï, nous avons choisi de fournir de brèves explications sur certains points particuliers à cette civilisation en notes de bas de page, quitte à l'alourdir.
Par ailleurs, certaines particularités orthographiques, portant notamment sur les noms propres, se retrouvent dans le texte de l'auteur et peuvent varier d'une source à l'autre. Une brève lecture du remarquable ouvrage d'Elissa Ondevive, Ebauche de lexique draeneï, Darnassus 31, permettra aisément d'en comprendre les raisons.

Le vénérable Bra'hmari, dont les propos sont rapportés ici, fait partie de ces Draeneï qui ont connu Argus et qui sont restés très attachés aux traditions, y compris dans leur manière de s'exprimer. Par souci de clarté, nous avons pris la liberté de simplifier quelques notions difficiles à appréhender pour des étrangers à la culture draeneï. De même, toutes les dates ont été converties suivant le système de datation en vigueur dans l'Alliance, qui place l'an 1 à l'ouverture de la Porte des ténèbres.
Avant-propos.
Avant tout fut le Néant
Au-delà de tout fut le Néant.
Puis vint notre monde aux larges flancs
Offert à tous les vivants.

Ainsi s'ouvre le 3e cantique du Livre des mères [1], tel que raconté aux plus jeunes, en guise d'éveil aux Mystères [2], et c'est en le récitant d'une voix encore claire malgré son âge avancé que le vénérable Bra'hmari me reçut, sur la terrasse nord du monastère de Telhamat, alors que le Soleil se couchait dans le silence du Désert des flammes.
Le visage austère, presque aussi ridé que celui du Prophète par une vie d'ascèse et la sécheresse du désert, le vénérable Bra'hmari est l'un des moines les plus âgés de Telhamat. C'est aussi celui qui à la charge de l'enseignement des novices. Je n'ai jamais su si je devais me sentir flattée, ou si, dans leur bienveillance, les moines, lorsqu'ils reçurent ma demande, pensèrent que seule la patience infinie du vénérable Bra'hmari avait une chance raisonnable de percer les remparts de mon ignorance.
Quoi qu'il en soit, voici les extraits d'une transcription simplifiée des entretiens que le vénérable Bra'hmari a bien voulu m'accorder, que les Naaru l'accompagnent, à la fin de la saison chaude de l'an 35.

Dans ces entretiens, il sera question de la Lumière et de ses messagers, les Naaru, de la manière dont ils ont transformé notre destin, mais aussi des différences majeures entre deux grands ordres religieux, les Clairvoyants et l'Aldor.
Ordre et chaos.
Même Argus, le monde aux larges flancs, est né du Néant, et notre peuple aussi, et tout ce que tu vois ici, et ailleurs. Nous sommes les enfants du Néant. Nous étions des enfants alors. Nous étions des enfants du chaos, porteurs de vie.
Avant, on connaissait mieux ces choses. D'ailleurs, dans sa forme ancienne, le Cantique des Mères disait "Offert à tous les fils de la vie", et c'est bien plus proche des origines, de nos origines.

Tu entendras, tu liras, beaucoup de versions différentes du premier Mystère. Je ne sais lequel on t'a enseigné, car on enseigne beaucoup de choses maintenant, beaucoup trop peut-être. De nombreux théologiens ont écrit avec patience et ardeur de non moins nombreuses exégèses, et d'autres, plus savants encore, sont venus ensuite et ont commenté les commentaires avec la même ferveur. Mais, si l'on sait écouter, ce cantique dit toujours la même chose, dans toutes ses variations, car il est vrai qu'au-delà des malentendus et des traductions défaillantes, toute grande parole, quant à l'essentiel, dit toujours la même chose. Rappelle-toi khara'nna [3], si tu lis les textes de manière littérale et que ta raison ne comprend plus, alors tu dois passer au niveau suivant, qui est celui de l'interprétation. Si là encore, ton intelligence renâcle, alors tu dois écouter ton cœur et entendre l'allégorie dans ce que tu lis.

La vie qui nous entoure est chaos, regarde ! Regarde la moindre plante qui tentera toujours de pousser dans toutes les directions, d'occuper la moindre parcelle où elle pourra croître et s'étendre, y compris sur les restes d'animaux morts. Regarde les animaux, même ceux de ce désert, qui se mangent entre eux, errent dans le monde, se dispersent pour se nourrir et se rassemblent pour perpétuer l'espèce.
Si tu cherches l'ordre et la stabilité, tu les trouveras dans l'immobilité et dans la stase du long sommeil de K'ara.
Cosmogonie.
Un jour, le Néant s'est replié et, dans une brève, grande et magnifique contraction, il a essaimé le chaos dans toutes les directions. C'est ce que l'on appelle la Première Nuée [4]. Il est dit aussi que le monde finira dans une autre contraction, plus puissante encore. Mais c'est une autre histoire.
Lors de la Première Nuée, la Lumière a pénétré notre univers, et ce qu'Elle vit lui a sans doute plu, car elle n'a cessé de s'étendre depuis, transformant tout ce qu'Elle touchait et qui ne La rejetait pas. C'est ainsi que, lors de la Seconde Nuée, les Naaru sont apparus. Cela s'est passé bien avant qu'ils ne se manifestent au Prophète et qu'il chemine avec harmonie dans la Lumière, mais nous n'étions pas encore prêts à les recevoir, ou eux n'étaient pas prêts pour nous.
Mais ils étaient là ! Tu connais sûrement l'histoire que l'on raconte aux tout-petits, que certaines des étoiles que l'on aperçoit la nuit sont des Naaru, ou du moins le reflet de leur présence dans notre univers. Peut-être que l'on ne raconte plus cette histoire, car, maintenant, on en raconte des nouvelles, qui parlent d'autres peuples. Mais n'as-tu jamais eu le sentiment, khara'nna, en regardant la voûte étoilée suffisamment longtemps, que les Naaru regardaient aussi en toi ?
Les Naaru et la Lumière.
Beaucoup de choses ont été dites et répétées sur les Naaru. Beaucoup de choses ont été écrites, étudiées et commentées. Certains ont pensé que les Naaru étaient des messagers, des serviteurs de la Lumière, voire même de sombres créatures touchées par Sa grâce et transfigurées. D'autres au contraire se sont demandés s'ils n'étaient pas des êtres de pure Lumière, Ses incarnations pour se faire connaître dans notre monde. Les plus fervents des exarques [5], ou les plus désespérés, ont même imaginé qu'Elle s'incarne dans tous les êtres qui l'acceptent, afin de sentir le monde, afin de le ressentir au travers de nos émotions, de nos choix, de nos peurs et de nos joies.
Il est certes louable et bon de réfléchir, d'interroger les sages et de questionner le monde qui nous entoure, mais la vérité est que nul ne connaît précisément la nature profonde des Naaru, pas même le Prophète. Prends donc garde à celui qui prétendrait connaître ce Mystère, car celui-ci serait le plus prétentieux des ignorants, ou le plus fou des man'ari [6].

Nous étions perdus lorsque K'ure s'est révélé à nous pour nous montrer la voie de la Lumière, dévoiler sa volonté et son plan de salut, et ceci ne doit jamais être oublié. La Lumière est un chemin qui mène droit à nos cœurs, bien que ce ne soit pas le seul. Le désir de la Lumière est maintenant inscrit profondément en nous, et la Lumière ne cesse de nous attirer. Ce n'est qu'en Elle que nous trouverons notre destin, car c'est pour Elle que K'ure nous a parlé et instruits.
Et tout le reste n'est pas très important en dernier recours.
Clairvoyants et Aldor.
Toi qui es allée sur ce nouveau monde peuplé d'éphémères [7], tu as sans doute rencontré des sages, des savants et des théologiens persuadés que la Lumière est une magie parmi tant d'autres, peut-être un peu plus brillante toutefois, car on m'a dit que sur ces mondes, il y avait de puissants mages et que tous les savoirs étaient pareillement recherchés.
Peut-être Voren'thal [8] et nos frères Clairvoyants à l'esprit acéré ont-ils raison quand ils cherchent les secrets du monde dans ses moindres replis, qu'ils tentent d'unifier tout le savoir dans des runes arcaniques pour en dévoiler toute la puissance. Peut-être le Maître des traditions Skosiris [9] est-il inspiré quand il demande à ses élèves d'étudier en détail les très nombreux ouvrages de la bibliothèque à degré de Shattrath [10], de chercher encore et toujours, sans rien rejeter. Sans nul doute, ceux-là pourraient-ils changer le monde par la compréhension intellectuelle des Mystères et, dans leur quête toujours inachevée de connaissance, nous libérer de la corruption.

Tout cela est possible khara'nna, mais, toute ma vie, mon cœur a porté le désir profond de la Lumière et, toute ma vie, les Naaru se sont levés et ont chanté pour moi [11]. Te souviens-tu des paroles d'Ishanah ? Qui sommes-nous pour questionner la sagesse des Naaru ?
Comme beaucoup de frères, j'ai cherché à comprendre notre destin. J'ai étudié sans relâche, lu et écouté des érudits plus sages et savants que moi, comparé les exégèses, et enfin, j'ai prié chaque jour en haut de l'Eminence [12]. Là, l'anachorète Nindumen — qu'il lui soit pardonné les excès que sa foi ait pu lui faire dire ou commettre — m'a rappelé que nous ne sommes que les serviteurs des Sha'tar [13], que le plus sublime don que nous ont fait les Naaru est notre vocation à communier avec la Lumière, et que d'humbles mais sincères prières suffisent le plus souvent à purifier le monde qui nous entoure.
Epilogue.
Les jours suivants, le vénérable Bra'hmari n'eut que peu de temps à me consacrer. Ou peut-être préféra-t-il me laisser réfléchir à tout ce qu'il m'avait appris, afin que, comme il aimait à le répéter à ses novices, "l'eau de la connaissance creuse lentement son lit dans le désert de votre ignorance".

Peut-on pleinement connaître la Lumière avec la seule raison ? Doit-on au contraire l'accepter avec humilité et lui ouvrir entièrement son âme, au risque de s'y perdre ? Ces questions me hantaient tandis que je profitais de la quiétude du temple et du silence du désert pour mettre de l'ordre dans mes notes.

Le soir avant mon départ, alors que je déambulais sur les terrasses du monastère en faisant claquer mes sabots sur le dallage imparfait et encore chaud de la journée, le vénérable Bra'hmari vint me rejoindre. Là, pendant un moment, nous nous perdîmes ensemble dans la voûte étoilée. Les jappements rauques d'un animal se répercutaient sur les parois rocheuses des nombreuses gorges et ravines. Le vénérable Bra'hmari me prit la main avec chaleur et me rappela, chuchotant presque, l'ouverture du troisième Mystère :
La vie est la Lumière, et la Lumière est la vie elle-même. Elles peuvent être échangées, mais rien n'est jamais perdu.

Après un court silence, il ajouta, d'un ton qui me sembla malicieux, cette citation bien connue des Prières de sable [14]:
Croire, c'est donner son cœur, sans rien espérer en retour.
***

[1]. Attribué à Onaasheï, voir La Flamme et le papillon du même auteur.
[2]. Les Mystères, dont le nombre varie entre 10 et 14 suivant les écoles, constituent, sous la forme de commandements, de révélations ou même de courts poèmes, les bases de ce que nous pourrions appeler une théogonie draeneï, même si les Naaru n'y sont à aucun moment considérés comme des dieux.
[3]. Forme enfantine de khara, expression de tendresse dans la forme vocative. Khara'nna peut être traduit par "petite fleur", ou "petite chérie". Il semble que le grand âge du vénérable Bra'hmari lui permette d'appeler ainsi, ou de son équivalent masculin, toute personne âgée de moins de quelques millénaires.
[4]. Le vénérable Bra'hmari emploi ici l'ancien mot-concept mu'araan, qui peut tout aussi bien signifier nuage, nuée, ensemencement, naissance ou silence.
[5]. Titre honorifique autrefois utilisé signifiant littéralement "celui qui a lu [étudié] les textes sacrés."
[6]. Démon, créature corrompue.
[7]. Expression désignant l'ensemble des races conscientes dont la longévité apparaît extrêmement courte pour un Draeneï.
[8]. Voren'thal le Voyant, alors proche conseiller de Kael'thas, renia son prince et déposa les armes en s'agenouillant devant le Naaru A'dal avant le combat, suivant en cela ses visions prophétiques.
[9]. Bibliothécaire de la grande bibliothèque des Clairvoyants, à Shattrath, sans doute la plus grande d'Outrerre.
[10]. Littéralement, la "Demeure de Lumière".
[11]. La formulation ici employée par le vénérable Bra'hmari a de quoi surprendre, mais il n'a pas désiré l'expliciter. Il eut été irrévérencieux d'insister. Note de l'auteure.
[12]. L'Eminence de l'Aldor, plus haute terrasse de Shattrath, où siège la grande prêtresse Ishanah.
[13]. Littéralement "Nés de la Lumière", les Sha'tar sont les Naaru qui veillent sur Shattrath.
[14]. Compilation de textes attribués à Onaasheï, voir La Flamme et le papillon du même auteur, aux Editions du Nénuphar.

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